“C'est la faute aux poids lourds !”

C'est ce qu'on entend assez régulièrement. On les accuse de tous les maux. Les poids lourds font peur aux autres usagers de la route : ils sont imposants, de plus en plus nombreux, et seraient à l'origine de nombreux accidents. Préjugés ou réalité ?

10/04/2015
4 minutes

LES CLICHÉS À L'ÉGARD DES POIDS LOURDS

Il est vrai que les accidents de poids lourds (PL) sont souvent très spectaculaires et largement médiatisés. C'est pourquoi, beaucoup de Français ont une image négative à l'égard des conducteurs de PL. C'est d'ailleurs ce qui ressort d'un sondage réalisé par l'Ifop en décembre 2011 sur l'image du transport routier de marchandises. À la question, “quelles sont les idées et les images qui vous viennent à l'esprit lorsqu'on parle du transport routier de marchandises ?”, 14 % des sondés ont répondu “le danger, l'insécurité” et 12 % “les accidents”. Pire même, les sondés disent avoir une mauvaise image de marque du transport routier de marchandise “parce que cela représente un danger” (21 %), “à cause d'une mauvaise attitude sur la route” (19 %), “parce que cela crée des accidents” (14 %), “à cause de la vitesse excessive” (7 %). Et comme si cela ne suffisait pas, 62 % des sondés pensent que le secteur du transport routier de marchandise “s'implique mal en matière de sécurité routière”. Enfin, à la question “pensez-vous que cette image parfois négative soit justifiée ?”, 58 % la trouvent “plutôt justifiée” et 21 % “tout à fait justifiée”. Pourtant, si les impressions sont une chose, les chiffres en sont une autre…

DES ACCIDENTS PEU NOMBREUX MAIS PLUS GRAVES

Les PL sont impliqués dans 14,2 % des accidents mortels de la circulation (ONISR 2015), soit un décès sur 7 et 5 % des accidents corporels. Bien que ces chiffres ne dénotent pas une accidentologie particulièrement élevée, ils doivent néanmoins être examinés au regard du taux de présence des PL dans la circulation générale qui n'est que de 5,2 %. En d'autres termes, le taux de gravité des accidents impliquant des poids lourds (c'est-à-dire le nombre de morts pour 100 accidents) est, bien qu'il se soit sensiblement amélioré ces dernières années, deux fois supérieur à celui observé pour l'ensemble des accidents. Au final, les poids lourds ont nettement moins d'accidents par kilomètre parcouru, mais, du fait de leur masse, les conséquences en sont plus graves. Dans un accident impliquant un camion, on dénombre en moyenne 8 tués hors PL pour 1 tué dans le PL. En 2014, 58 chauffeurs routiers ont été tués dans ces accidents.

DE PLUS EN PLUS DE CAMIONS SUR NOS ROUTES ?

Contrairement à ce que l'on pourrait penser et malgré l'accroissement des tonnages transportés, le trafic des PL n'augmente plus grâce, notamment, à la progression de la taille moyenne des camions et à un meilleur taux de chargement. Globalement, la part du trafic poids lourds a légèrement diminué depuis 10 ans, passant de 5,6 % à 5,2 % de la circulation totale. Dans le même temps, le trafic des voitures particulières a progressé (+1,6 %) ainsi que celui des véhicules utilitaires légers (+15 %).
Autre idée reçue, bien des drames de la route dans lesquels sont impliqués les poids lourd aujourd'hui seraient dus à des véhicules immatriculés hors de nos frontières. Qu'en est-il exactement ? Une étude sectorielle réalisée par l'ONISR ne confirme pas cette thèse : les poids lourds étrangers effectuent 1,2 % des kilomètres parcourus dans l'Hexagone et sont impliqués dans 0,6 des accidents corporels et 1,1 % des accidents mortels. Si le trafic des poids lourds étrangers a progressé de 20 % entre 1999 et 2004, il ne croît plus de manière aussi significative aujourd'hui et représente 1,6 % de la circulation totale. Le pavillon espagnol est toujours le plus représenté avec un tiers des tonnages, mais les pavillons polonais, bulgares et roumains sont en forte croissance, ce qui effectivement peut avoir une incidence sur la sécurité. En effet, les conducteurs et les véhicules de ces pays ne sont pas soumis aux mêmes règlements sociaux. Ils sont souvent mis en position de stress, de surproductivité, voire de peur et restent éloignés de longues semaines, de longs mois parfois, de leur famille et pays d'origine. Autant de facteurs qui ne mettent pas le conducteur dans de bonnes conditions et peuvent favoriser les risques d'accident.

UNE ERREUR HUMAINE DANS 90 % DES CAS

L'étude des accidents de PL montre que dans 90 % des cas l'accident a pour origine une erreur humaine, avec comme causes principales, la distraction, une vitesse inadaptée ou une mauvaise appréciation des risques, auxquelles viennent s'ajouter l'environnement, le profil de la route ou les conditions météo. Dans 10 % des cas l'accident relève du véhicule avec la problématique des angles morts, d'une explosion de pneus ou d'une erreur technique. Autre préjugé auquel il convient de tordre le cou, les conducteurs de PL ne sont pas plus impliqués que les autres dans les accidents mortels avec alcoolémie positive : 1,7 % des chauffeurs routiers contre 17,9 % pour l'ensemble des autres conducteurs. Par contre, les conducteurs de PL sont plus exposés aux risques de somnolence que les autres conducteurs. C'est ce qui ressort clairement d'une enquête sur la somnolence au volant menée pour le compte de Vinci Autoroute. Plus d'1 conducteur de PL sur 4 reconnaît un déficit de sommeil (ayant dormi moins de 6 heures) avant de reprendre la route, 1 sur 3 s'estime susceptible d'avoir un accident à cause de la somnolence. Enfin, 3 conducteurs sur 4 déclarent mordre sur les bandes sonores d'alerte situées le long de la bande d'arrêt d'urgence. Pourtant, la législation a été renforcée afin de contraindre les conducteurs de PL à réduire leur temps de conduite.

TEMPS DE CONDUITE ET TEMPS DE REPOS

La libéralisation du transport routier de marchandises, totale dans les pays de l'Union européenne depuis 1998, s'est traduite par la mise en place de la réglementation sociale européenne (RSE) qui s'applique à tous les conducteurs de véhicule de plus de 3,5 T de poids maximum autorisé en transport national ou international. Dès lors qu'ils travaillent sur le territoire d'un état membre de l'Union Européenne, ils sont soumis à la RSE. Celle-ci porte essentiellement sur les temps de conduite et de repos. Les aménagements sont nombreux et assez complexes, mais le principe est clair : il s'agit d'obliger les routiers à faire des pauses régulières afin de garder en permanence une bonne vigilance. La règle générale prévoit que la conduite ne doit pas excéder 9 heures par jour (elle peut être portée à 10 heures deux fois par semaine), et jamais plus de 4 h 30 en continu : pour chaque période de 4 h 30, un repos de 45 minutes est obligatoire (ou deux pauses non consécutives. Une de 15 minutes suivie d'une autre pause d'au moins 30 minutes). En rythme hebdomadaire, cela représente 56 heures (90 heures de conduite au maximum, réparties sur deux semaines) et pas plus de 6 jours consécutifs sans un repos de 45 heures ininterrompues.
Au regard de ce qui précède, force est de constater que les professionnels de la route sont loin de mériter la mauvaise réputation qui leur est souvent faite. Qu'on le souhaite ou non, et sachant que le ferroutage n'est qu'encore qu'embryonnaire en France, il faudra encore composer longtemps avec les PL.

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