Garantie constructeur : faut-il lire entre les lignes ?

La loi autorise à faire entretenir son véhicule hors du réseau constructeur. En pratique, il arrive souvent que les automobilistes infidèles peinent ensuite à faire valoir leur garantie en cas de panne. Mais les recours existent, ils sont nombreux et le client obtient souvent gain de cause.

10/05/2014
5 minutes

Il y a les constructeurs qui listent les pièces couvertes et ceux qui listent les pièces non-couvertes par la garantie. Et puis, qu'entendent-ils par “utilisation normale” du véhicule ? À l'achat d'un véhicule neuf, mieux vaut bien lire le contrat de garantie, histoire de savoir à quoi s'en tenir. Mais une lecture assidue des différentes clauses ne permet pas toujours d'éviter les mauvaises surprises. Parfois, une simple visite d'entretien dans un centre auto suffit pour que le constructeur refuse de prendre en charge une panne normalement couverte par le contrat. Pourtant, le règlement européen, entré en application en 2002 et favorisant la libre-concurrence sur le marché automobile, stipule que le client a le droit de faire les révisions de son véhicule chez le réparateur de son choix sans pour autant perdre le privilège de la garantie constructeur. En 2010, une nouvelle directive européenne est venue renforcer le premier texte.

"Libérez-vous des idées reçues"

La bataille entre centres auto et constructeurs a d'abord lieu dans le champ publicitaire. Renault a ouvert les hostilités avec sa campagne “Qui mieux que Renault peut entretenir votre voiture ?”, mettant en scène des garagistes maladroits et visiblement désemparés face aux modèles de la marque au losange. Le spot a dû être retiré suite à une plainte de la Fédération des entreprises de distribution auto- mobile (Feda). Les centres autos et indépendants ont contre-attaqué, raillant les tarifs des constructeurs : “c'est tellement rassurant de payer plus cher” ironisait Feu vert. Aujourd'hui, ils communiquent sur la “garantie constructeur préservée”. La Feda a même lancé une campagne “libérez-vous des idées reçues” en 2011. “Nous avons constaté que même si la loi avait changé, les habitudes, elles, ne changeaient pas”, explique Michel Vilatte, Président de la Feda. “L'automobiliste peut aller dans le garage de son choix, proche de chez lui, il suffit que trois conditions soient remplies : respecter scrupuleusement le plan d'entretien prévu par le constructeur, remplacer des pièces par des pièces de rechange d'origine ou de qualité équivalente, et enfin, réaliser l'intervention dans les règles de l'art. Aujourd'hui, tous les garages ont ces compétences techniques”, assure-t-il. Il déplore toutefois que “certains constructeurs ne jouent pas le jeu, en faisant de la rétention d'information alors que les données relatives aux différents modèles doivent être accessibles à tous les professionnels. Les choses bénignes sont bien diffusées mais les informations plus gênantes demeurent des notes cachées.” Cependant, pour lui, c'est “surtout au niveau des concessionnaires” que “cela coince”. Une enquête de l'UFC Que-Choisir, réalisée en 2010 auprès de concessionnaires des agglomérations parisiennes et lilloises, vient appuyer ses propos. L'association de consommateurs, se faisant passer pour des clients intéressés par des voitures neuves, questionnait les concessionnaires sur les contrats de garantie. Ils ont pu constater que rien dans les conditions générales de vente, qu'ils ont eu bien du mal à obtenir, n'empêchait d'aller voir ailleurs, “les interdictions se font de vive voix”, relève l'enquête. “Le résultat n'en est pas moins limpide. Le client lambda repart au volant de sa voiture neuve persuadé qu'il ferait une grave erreur en sortant du réseau”, poursuit le document. L'association parle d'un “chantage à la garantie”.

Des constructeurs plus regardants avec les automobilistes infidèles

L'automobiliste infidèle devra parfois engager une procédure amiable pour qu'une panne soit prise en charge par la garantie. “Si le constructeur refuse d'appliquer la garantie en se fondant sur une exclusion telle que l'utilisation anormale, l'entretien ou la réparation hors réseau, charge à lui de prouver que les conditions de cette exclusion sont réunies et qu'elle est opposable au client”, explique Céline Genzwurker-Kastner, responsable du service juridique de l'Automobile Club Association. Son service traite près de 3 000 dossiers et reçoit environ 21 000 appels téléphoniques chaque année, portant notamment sur des litiges avec des professionnels automobiles et avec un préjudice moyen compris entre 500 et 800 €. Ainsi en est-il d'un adhérent, qu'elle assiste dans ses démarches, propriétaire d'une Volkswagen depuis 2007, 100 000 km. Alerté par un bruit anormal du moteur, l'expertise mécanique a conclu à une usure anormale de l'arbre à cames et des poussoirs hydrauliques. Le constructeur refuse de prendre en charge des réparations (3 700 €), sous prétexte que l'entre- tien du véhicule et les réparations, bien que conformes aux prescriptions, ont été faits hors réseau. Le recours est toujours en cours. “Les délais de réponse des services après-vente, leurs discours formatés, dissuadent les clients qui n'ont ni le temps ni l'envie de se lancer dans ces procédures. Mais nous, nous avons un système de relances et de suivi. Et en matière d'application des clauses de garanties nous pouvons leur opposer une jurisprudence foisonnante !”. Le service s'appuie également sur les avis et recommandations émis par la commission des clauses abusives, un organe dépendant du Ministère de l'Économie et des Finances. “On tente d'obtenir du constructeur qu'il rembourse sinon en totalité, au moins en partie les réparations” souligne Céline Genzwurker-Kastner. “Les largesses commerciales demeurent moindres qu'il fut un temps ; souvent, au lieu d'une participation sur la facture, les constructeurs proposent un avoir, ce qui ne convient pas forcément au client dont la confiance en la marque a été égratignée par le conflit.” Les dossiers se règlent dans la très grande majorité des cas sans avoir besoin d'en passer par le tribunal. 

AU-DELÀ DU CONTRAT, LES GARANTIES LÉGALES

Des recours sont encore possibles une fois le contrat de garantie arrivé à son terme. L'automobiliste peut faire valoir la garantie légale de conformité qui court durant 2 ans. Là, inutile de signer, elle relève du Code de la consommation. Il existe également la garantie des vices cachés, relevant du Code civil. Elle n'a pas de limite dans le temps mais doit être mise en œuvre dans un délai de deux ans suivant la découverte du vice. Mais dans ces deux cas, charge à l'automobiliste d'apporter la preuve. A noter que pour la garantie de conformité, les défauts qui apparaissent dans les 6 mois de la transaction sont présumés exister au moment de la délivrance sauf preuve contraire du professionnel. “Il arrive fréquemment qu'un constructeur ne veuille pas prendre en charge une panne survenant tout de suite après la fin de la garantie” a pu constater Céline Genzwurker-Kastner. “Il faut alors, pour appliquer une garantie légale comme celle des vices cachés, prouver la responsabilité du constructeur par une expertise. Parfois il y a eu des réparations à répétition pendant la garantie contractuelle, le professionnel du réseau cherche, change de petites pièces sans traiter véritablement la cause… En fait, il joue la montre, laisse traîner jusqu'à la fin du contrat. Dans ces cas, il est utile de demander et de conserver tout document permettant de retracer l'historique de ces interventions afin de demander l'application de la garantie même échue, en mettant en avant que le problème existait avant.” Néanmoins, elle a aussi remarqué que le concessionnaire pouvait se révéler être un allié, à même d'appuyer les réclamations de son client (forcément fidèle) auprès d'un constructeur sourd.

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