« La route, ce n'est pas un circuit »
Pilote professionnelle de moto française, Ornella Ongaro est depuis le printemps ambassadrice nationale de la Sécurité routière. Avec son parcours et sa légitimité, elle s'impose comme une figure engagée pour rappeler, sans détour, les règles essentielles à respecter sur la route.
Avec Ornella Ongaro, l'interview file comme une moto de course : intense, marquante, inspirante. À tout juste 34 ans, la pilote cannoise enregistre déjà 28 ans d'expérience sur les circuits de compétition et a marqué l'histoire de ce sport en 2009 en étant la première au monde à gagner une course mixte dans un championnat national et en 2011 dans un autre décor en devenant la première Française à participer à la prestigieuse course sur route la North West 200 en Irlande, dans un milieu encore très masculin.
Si elle a quitté les circuits pendant sept ans pour des raisons personnelles et pour s'occuper de sa nièce, la passion viscérale pour la moto ne l'a jamais quittée : « Avec mes nouvelles responsabilités, je ne pouvais pas reprendre la compétition, confie-t-elle. Mais quand j'ai appris qu'on aurait enfin un championnat du monde féminin en 2024, j'ai décidé de reprendre. Je m'étais tellement battu pour que les femmes aient leur place dans ce sport que c'était une telle récompense et cela ne pouvait en être autrement ». Sans entraînement et connaissance des circuits, elle accroche un TOP 10 mondial à ce premier championnat féminin, le WorldWCR. « Quand j'ai repris la compétition, mon cœur battait encore plus fort que celui d'un enfant à Noël, c'était magique, inexplicable. Pendant cet arrêt, je n'ai roulé que sur une petite moto (une mini GP YCF) pour tenir le cardio en éveil, ma mobilité, mais l'an dernier, je suis retournée à la grande échelle. ».
« Notre corps, c'est notre carrosserie »
Et ce, sans jamais sacrifier à la sécurité. « Je suis réputée pour dépasser proprement, pour mon respect, et pour insister sur l'importance de l'équipement. ».
Des principes qu'elle tient depuis son plus jeune âge. « On me trouvait décalée parce que quand j'étais gamine, je portais sur mon scooter un casque intégral et un blouson en cuir. Reste de quand j'ai été percutée toute jeune sur mon scooter, mon équipement m'a sauvée. Par ailleurs, je suis anti alcool et drogue et encore plus au volant. Toute jeune, je retirais les clés des gens qui voulaient conduire après avoir bu lors d'une soirée. J'ai été marquée par la mort d'une amie fauchée avec son petit ami par une automobiliste qui avait trop bu pour fêter son bac… ».
Ornella va droit au but et a le parler franc. Elle peut se le permettre parce qu'elle n'est pas dans la répression, mais dans la prévention. Et surtout parce qu'elle sait de quoi elle parle en tant que pilote de haut niveau : ses vidéos pour la Délégation de la Sécurité routière ont dépassé les 25 millions de vues cumulées. Du jamais vu. « Je ne suis pas là pour faire des vues, je dis juste la vérité et des vrais messages. La principale cause d'accident sur deux-roues, c'est la vitesse. Vous recherchez l'adrénaline ? Je le comprends ! Mais allez sur un circuit pour effectuer des roulages équipée de tout ce qu'il faut, sans voitures, sans piétons, sans cyclistes. Les circuits existent pour ça ! Y aller c'est très simple, et cela évite de mettre en danger des gens qui n'ont rien demandé. ».
La vitesse, première cause des accidents
Idem pour les équipements : Ornella plaide pour le full-package avec gants, chaussures adaptées, airbag, renfort aux genoux, casque intégral… Elle sait de quoi elle parle pour avoir été fauchée par deux fois, sur autoroute par un camion, et en ville par une voiture. « Heureusement, je roulais à la vitesse autorisée et j'étais équipée. J'ai aussi eu le réflexe de me mettre en mode survie, à savoir de protéger mon thorax avec les bras en croix. J'ai été traînée par le camion sur 62 mètres. Je m'en suis sortie avec un trauma crânien et un petit doigt cassé. C'est pour cela que j'insiste beaucoup dans mes vidéos sur l'importance des équipements. Je vois tellement de gens sur la route en claquettes, short, torse nu… Il fait chaud, Ok, mais ce n'est pas une excuse ! À moto, en scooter, on profite de l'air du vent… Il ne faut pas oublier que sur un deux-roues, notre corps, c'est notre carrosserie. ».
Un discours percutant, nécessaire quand on connaît les chiffres : si la communauté n'atteint pas les 2 % des utilisateurs de la route, les usagers de deux-roues motorisés représentent 23 % des personnes tuées sur la route, 32 % des blessés graves et 37 % des blessés gardant des séquelles un an après un accident. Des chiffres qui font froid dans le dos. « Je le répète, c'est la vitesse, puis l'alcool et les stupéfiants en cause. Respecter les règles, c'est la base, s'équiper, c'est du bon sens. On peut toujours éviter le pire quand on est bien équipé », insiste Ornella.
Pour le côté compétition et actualité de notre championne, malheureusement, elle a été percutée sur la première course du week-end en Hongrie et a subi une opération importante. Pas de quoi abattre la championne, prête à réduire les échéances et à se battre pour se relever et être d'attaque pour l'épreuve française du championnat sur le circuit de Magny-Cours du 5 au 7 septembre.
« Si on me soutient dans ce challenge, sans aucun doute je répondrais présente comme à mon habitude »