Cette démarche inclusive s'appuie sur une simplification des démarches administratives, des innovations technologiques et une collaboration étroite avec les associations du secteur. « Nous avons entamé ce travail sur l'aptitude à la conduite en 2022 et modifié le texte réglementaire qui présentait jusque-là des conditions drastiques pour accéder à la formation », explique Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la Sécurité routière.
L'arrêté du 28 mars 2022 marque un tournant : il simplifie les suivis médicaux, notamment pour le diabète, clarifie la liste des affections et prend en compte les avancées médicales et technologiques. La logique a été changée : « Plutôt que d'interdire, nous avons inversé notre réflexion en partant du principe que tout est autorisé tant que la sécurité est assurée », poursuit Florence Guillaume. Dès lors qu'un véhicule peut être adapté, une personne en situation de handicap peut passer le permis. « Ce n'est pas un permis au rabais. »
Des publics ciblés, des solutions adaptées
Trois grands groupes font l'objet de mesures spécifiques : les personnes sourdes ou malentendantes, les personnes à mobilité réduite et celles atteintes de troubles DYS (dyslexie, dyspraxie, etc.). « Les troubles du neurodéveloppement sont des sujets que nous travaillons à part entière, avec les associations et fédérations demandeuses », précise Florence Guillaume.
Christelle Oberholz, référente Handi'Conduite chez ECF, insiste sur l'enjeu de l'autonomie : « Dans le monde du handicap, nombreux sont ceux qui pensent qu'ils n'ont pas le droit de conduire. Alors que, grâce à un audit, on peut déterminer s'ils peuvent passer le permis classique, utiliser une voiturette ou, dans certains cas, être orientés vers d'autres solutions. » Elle rappelle que « faciliter l'accès à la formation, à un métier, à la mobilité, c'est essentiel ».
Une révolution pour les personnes sourdes : le Code en LSF
Dernière avancée majeure : la traduction en Langue des signes française (LSF) de l'examen du Code de la route. « La DSR est vraiment mobilisée sur le handicap en général et les personnes sourdes en particulier. Cela permet de leur faire passer le message qu'elles peuvent passer le permis, que ce n'est plus le parcours du combattant », se réjouit Christelle Oberholz.
Paul Flad, directeur de l'Institut national des jeunes sourds (INJS), confirme : « Cette traduction était attendue depuis de nombreuses années. Le Code de la route en LSF représente une avancée majeure en termes d'égalité d'accès. Jusqu'ici, il existait une véritable fracture linguistique. » Finis les interprètes ponctuels à coût élevé ou les sessions limitées géographiquement. « Cela représentait un obstacle psychologique, logistique et financier. De nombreuses personnes sourdes renonçaient tout simplement à passer le Code », ajoute-t-il.
SAM, la technologie qui change tout
Pour la pratique aussi, les innovations facilitent l'apprentissage. La société française Pimas a mis au point un système appelé SAM. Ce logiciel affiche des icônes à côté du volant pour traduire visuellement les consignes du formateur, sans que l'élève ait besoin de détourner le regard de la route.
« Avant, nous devions crier dans le véhicule. Les élèves sourds étaient souvent stressés. Aujourd'hui, ils reçoivent les consignes en direct, c'est une vraie révolution », explique Christelle Oberholz. SAM permet aussi de détecter les signaux sonores (sirènes, klaxons...) dans un rayon de 800 mètres : « Cela garantit une vraie sécurité ». Ce dispositif s'inscrit pleinement dans le cadre de l'arrêté du 28 mars 2022, qui ouvre aussi la possibilité pour les personnes atteintes de déficience auditive sévère de conduire des véhicules du groupe lourd, en s'appuyant sur ces innovations.
Et pour les personnes DYS ? Une accessibilité progressive
Les personnes atteintes de troubles DYS bénéficient également de mesures concrètes. Par exemple, l'examen du Code de la route peut désormais leur accorder du temps supplémentaire, et le logiciel SAM pourrait également être utilisé pour eux. « Lorsqu'on leur dit de prendre la voie vers Paris, certaines entendent “voix”. Un schéma visuel rend la consigne claire », explique Christelle Oberholz. Elle insiste également sur l'importance d'un environnement adapté : « Les personnes DYS doivent savoir qu'elles peuvent bénéficier d'un accompagnement dans un endroit calme. »
Des démarches simplifiées et des aides disponibles
Florence Guillaume invite toute personne concernée à se rapprocher de leur préfecture pour évaluer leur capacité à passer le permis : « La technologie a fait des progrès incroyables. Le permis est de plus en plus accessible, dès lors que la sécurité est assurée. » Pour connaître les aides financières disponibles, les véhicules aménagés, ou les auto-écoles adaptées, des plateformes comme Mon Parcours Handicap, Handicap.fr, ou encore Wheeliz (location de véhicules aménagés entre particuliers) peuvent être consultées.