Lorsqu'un accident de la route survient à cause d'un comportement à risque, même si le conducteur n'a pas intentionnellement causé l'accident, pour les victimes et leurs familles dont la vie a basculé, il est difficile d'accepter que l'homicide ou les blessures soient qualifiées d'involontaires. C'est en ce sens que la création des nouveaux délits d'homicide routier et de blessures routières était réclamée. En répondant à cette demande, le gouvernement permet une reconnaissance importante pour les victimes des accidents de la route et leurs familles.
C'est donc une troisième voie qui est créée et qui se situe entre l'homicide et les blessures volontaires et l'homicide et les blessures involontaires. Elle permet de prendre en compte le fait qu'un conducteur qui conduit dans certaines circonstances, même s'il n'a pas l'intention de blesser ou de tuer, prend délibérément des risques pour la sécurité routière, et donc la sécurité des autres.
Ont donc été ajoutés au Code pénal :
- L'article 221-18 qui vise l'homicide routier,
- L'article 221-19 qui vise les blessures routières entraînant une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à 3 mois,
- L'article 221-20 qui vise les blessures routières entraînant une ITT inférieure ou égale à 3 mois.
La reconnaissance, loin d'être uniquement sémantique, permet de mieux qualifier les faits, mais vient aussi augmenter la liste des comportements considérés comme risqués et il prévoit des sanctions plus sévères.
Quels sont les comportements visés ?
Les textes sanctionnant l'homicide et les blessures involontaires prévoyaient déjà une liste de circonstances aggravantes en présence desquelles les faits étaient sanctionnés plus sévèrement. C'est dans le cas de ces circonstances aggravantes que les nouveaux délits d'homicide routier ou de blessures routières seront retenus. Cependant, cette liste n'a pas été reprise tout à fait à l'identique.
Certaines circonstances sont reprises telles qu'elles étaient rédigées dans les textes sanctionnant l'homicide et les blessures involontaires :
- La conduite en état d'ivresse manifeste, avec un taux d'alcool supérieur au taux autorisé ou en cas de refus du conducteur de se soumettre au contrôle de son alcoolémie ;
- La conduite alors qu'une analyse sanguine ou salivaire a permis de détecter la consommation de stupéfiants ou en cas de refus du conducteur de se soumettre à une telle analyse ;
- La conduite sans permis ou avec un permis faisant l'objet d'une annulation, d'une invalidation, d'une suspension ou d'une rétention ;
- La violation manifestement délibérée par le conducteur d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par les textes autre que celles correspondant aux autres cas de la liste.
Mais, à la liste initiale, se rajoutent :
- La conduite avec des oreillettes ou en tenant un téléphone à la main ;
- Le refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter émanant d'un agent des forces de l'ordre ;
- La conduite dans le cadre de « rodéos motorisés » caractérisés par la répétition intentionnelle de manœuvres violant des obligations de sécurité ou de prudence ;
- La consommation volontaire, de façon détournée ou manifestement excessive, d'une ou plusieurs substances légales mais psychoactives figurant dans une liste déterminée par décret en Conseil d'État (sont, par exemple, visés la surconsommation de médicaments ou encore l'usage détourné du protoxyde d'azote).
De plus, certaines circonstances aggravantes ont été reprises mais modifiées :
- La conduite en excès de vitesse ne constituait auparavant une circonstance aggravante que dans le cas d'un dépassement de 50 km/h ou plus. Désormais, la vitesse constitue une circonstance aggravante dès que la vitesse maximale autorisée est dépassée de 30 km/h ou plus ;
- Le délit de fuite était déjà considéré comme une circonstance aggravante mais, est ajoutée la notion de non-assistance à personne en danger.
Des sanctions plus sévères
La constatation d'une ou plusieurs circonstances aggravantes entrainait déjà une augmentation des sanctions. Cependant, avec la création des délits d'homicide routier et de blessures routières, les sanctions ont été renforcées. Les peines principales d'emprisonnement et d'amende n'ont pas changées. Ainsi, les sanctions maximales sont toujours de :
- En cas d'homicide :
- dans le cas d'une seule circonstance aggravante : 7 ans de prison et 100 000 € d'amende
- avec deux ou plus circonstances : 10 ans de prison et 150 000 €
- En cas de blessures ayant entraîné une ITT supérieure à 3 mois :
- avec une seule circonstance : 5 ans de prison et 75 000 € d'amende
- avec deux ou plus circonstances : 7 ans de prison et 100 000 € d'amende
- En cas de blessures ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à 3 mois :
- avec une seule circonstance : 3 ans de prison et 45 000 € d'amende,
- avec deux ou plus circonstances : 5 ans de prison et 75 000 € d'amende.
Par contre, c'est au niveau des peines complémentaires que les règles sont devenues plus sévères :
- La peine de suspension du permis de conduire passe à 10 ans maximum au lieu de 5 ans auparavant ;
- En cas d'annulation du permis, l'interdiction de solliciter un nouveau permis passe également à 10 ans maximum contre 5 ans auparavant. De plus, quand l'annulation est de plein droit (c'est-à-dire quand le juge doit obligatoirement la prononcer), et donc dans les cas d'homicide routier ou de blessures routières entraînant une ITT supérieure à 3 mois, la durée de l'interdiction est désormais forcément comprise entre 5 et 10 ans alors qu'auparavant, le juge pouvait prononcer une interdiction plus courte ;
D'ailleurs, si cela était déjà prévu en cas d'homicide, pour le cas des blessures ayant entraîné une ITT de plus de 3 mois, est rajouté le fait qu'en cas de récidive, la durée de l'interdiction est portée de plein droit à 10 ans et elle peut même être définitive sur décision spécialement motivée du juge. - L'interdiction de conduire un véhicule non équipé d'un éthylotest antidémarrage (EAD) pendant 5 ans maximum n'était initialement possible que si l'homicide ou les blessures avaient été causés par un conducteur en état d'ivresse manifeste, avec un taux d'alcool supérieur au taux autorisé, ayant refusé de se soumettre au contrôle de son alcoolémie, ou commis avec deux ou plus circonstances aggravantes. Désormais, elle est possible dès qu'une seule circonstance aggravante a été constatée, et elle devient même obligatoire si le conducteur était en état d'ivresse manifeste, avec un taux supérieur au taux d'alcool autorisé ou s'il a refusé de se soumettre au contrôle.
Comme c'était déjà le cas avant, si cette peine est prononcée en même temps qu'une peine d'annulation ou de suspension du permis de conduire, elle ne s'applique qu'à l'issue de l'exécution de la peine d'annulation ou de suspension. - L'immobilisation ou la confiscation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction n'est plus seulement prévu s'il en est le propriétaire mais aussi, si le propriétaire du véhicule l'a laissé à la disposition du condamné alors qu'il avait connaissance que ce dernier :
- se trouvait en état d'ivresse manifeste,
- avait consommé des stupéfiants,
- avait volontairement consommé des substances psychoactives de façon détournée ou manifestement excessive,
- n'était pas titulaire du permis de conduire ou avait un permis annulé, invalidé, suspendu ou retenu.
Autre disposition notable
Dans les cas correspondants à l'homicide routier ou les blessures routières, les textes prévoyaient déjà la possibilité pour le préfet de prononcer, à titre conservatoire et en attendant que le conducteur soit jugé, une suspension administrative du permis de conduire pouvant aller jusqu'à 1 an maximum.
Ces dispositions restent applicables. Cependant, la nouveauté réside dans l'article L.232-4 du Code de la route qui prévoit que si les circonstances de l'accident permettent de présumer que l'état de santé du conducteur pourrait être incompatible avec le maintien de son permis de conduire, les forces de l'ordre retiennent son permis à titre conservatoire jusqu'à la réalisation d'un examen médical visant à déterminer son aptitude à la conduite. Cet examen est réalisé aux frais du conducteur, auprès d'un médecin agréé par la préfecture et ce, dans un délai de 72h à compter de l'accident ou de 72h à compter du moment où l'état de santé du conducteur le permet.
Si le conducteur est déclaré inapte, le Préfet peut prononcer une suspension administrative du permis de conduire pouvant aller jusqu'à 1 an. À défaut, ou si le conducteur est déclaré apte, son permis peut lui être restitué, mais reste que le Préfet peut quand même décider ultérieurement de prononcer une telle suspension au vu des dommages corporels causés par l'accident en attendant que la personne soit jugée.
A noter que si le conducteur refuse de se soumettre à ce contrôle médical, il pourra être sanctionné de la même manière que s'il conduit malgré la suspension de son permis. Ces faits constituent alors un délit sanctionné par une peine de prison pouvant aller jusqu'à 2 ans et 4 500 € maximum pour l'amende, mais aussi par plusieurs peines complémentaires telles que la suspension du permis de conduire pouvant aller jusqu'à 3 ans.