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Autoroutes : les clés du débat

“L'usage des autoroutes est en principe gratuit”, déclarait la loi de 1955 portant sur leur statut. En réalité, les tarifs des péages ne cessent de flamber. L'autoroute devient un luxe alors que les sociétés concessionnaires engrangent toujours plus de bénéfices. Rien qu'en 2013, elles ont distribué 1,8 milliard d'euros à leurs actionnaires. Un bras de fer est engagé avec l'État qui se sent lui aussi floué.

10/02/2015
5 minutes

Les négociations entre État et sociétés d'autoroutes, entamées à l'automne, patinent. Ségolène Royal réclamait le gel des tarifs des péages, mais on ne devrait pas échapper à la hausse annuelle, 0,57 % au 1er février. Un tarif vert, qui récompenserait les véhicules vertueux est par ailleurs à l'étude. Surtout, il s'agit de revoir la répartition des faramineux profits, pour l'heure engrangés par les seules sociétés concessionnaires. Une mission réunissant parlementaires et experts sera chargée de plancher cette année sur un rééquilibrage du rapport de force entre sociétés autoroutières et pouvoirs publics.

PÉAGES : UNE RENTE EXCEPTIONNELLE

C'est le rapport de l'Autorité de la concurrence, publié en septembre, qui a mis le feu aux poudres. Ou plutôt, l'a rallumé. Le document de 150 pages dénonce la “rente” des sept sociétés exploitant le réseau français d'autoroutes. Détenues par les groupes Vinci, Eiffage ou Abertis, elles affichent en effet “une rentabilité nette exceptionnelle, comprise entre 20 % et 24 %, nourrie par l'augmentation continue des tarifs des péages. Et cette rentabilité n'apparaît justifiée ni par leurs coûts ni par les risques auxquels elles sont exposées”, peut-on lire. Un pactole prélevé dans les poches des automobilistes et qui échappe aux caisses de l'État. Les parlementaires français, le gouvernement, montent au créneau. D'autant qu'il faut compenser le manque à gagner et les pénalités liées à l'abandon de l'écotaxe (environ 2 milliards d'euros). La polémique enfle. L'exécutif laisse alors planer la menace d'une résiliation des contrats de concession, menace qui semble aujourd'hui s'éloigner. Pour être effective au 1er janvier 2016, elle aurait dû intervenir avant le 31 décembre dernier. Manuel Valls s'est donné deux ans pour trancher entre résiliation ou renégociation des contrats. Mais, déjà, en 2008, la Cour des comptes dénonçait dans son rapport annuel les “tarifs incohérents”, “opaques”, pratiqués par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, avec des hausses “supérieures à l'inflation”. Elle est revenue ensuite à la charge avec un rapport dédié à la question des relations entre l'État et les sociétés d'autoroutes et publié le 24 juillet 2013. Les magistrats relèvent, là encore, des “hausses des tarifs des péages nettement supérieures à l'inflation” et pointent surtout le laxisme de l'État face au “non-respect de leurs obligations par les concessionnaires”. Le document déplore “l'insuffisance du cadre réglementaire et contractuel actuel” qui “conduit à ce que tout puisse être négocié”. Sauf qu'autour de la table, l'État et les grands groupes ne négocient pas à armes égales. Les rapports sont “déséquilibrés au bénéfice des sociétés concessionnaires”, note la Cour des comptes qui a pu constater que “l'administration a des difficultés à collecter les données nécessaires auprès des concessionnaires et à exercer les contrôles qui lui incombent”.

DES SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE À LA PRIVATISATION, LA DÉRIVE D'UN SYSTÈME

Pour construire ses autoroutes, dans les années 1950, l'État français a mis en place des concessions. Il a créé les SEMCA (Société d'Economie Mixte Concessionnaires d'Autoroutes) qui, en échange de la construction et de l'entretien de ces axes autoroutiers, ont obtenu le droit, pour une certaine durée, d'exploiter ces infrastructures via des péages. Il s'agit de rembourser les travaux, et une fois les tronçons amortis, les péages ont été maintenus pour financer la construction de nouvelles liaisons… Désormais, les constructions d'ampleur sont devenues marginales sur un réseau autoroutier arrivé à maturité depuis le début des années 2000. Le produit des péages a par exemple été affecté en partie à l'installation du télépéage sans arrêt, contribuant à augmenter la rentabilité des sociétés concessionnaires et diminuer les effectifs de guichetiers. En 2007, ces salariés étaient 7 300, cinq ans plus tard, l'effectif est tombé à 5 800. Au début des années 2000 encore, l'État, à la recherche d'argent, a débuté la privatisation. Sous le gouvernement Jospin, 49 % du capital du plus gros concessionnaire d'alors, ASF (Autoroutes du Sud de la France) est cédé au privé. En 2006, alors que les concessions courent encore sur plus de deux décennies, le premier ministre Dominique de Villepin, privatise d'un coup toutes les SEMCA : ce qu'il reste d'ASF, mais aussi l'ensemble des autoroutes Paris-Normandie (SAPN), Paris-Rhin-Rhône (APPR), Rhône-Alpes (Area) et du nord et de l'est de la France (Sanef). Les groupes Eiffage, Vinci et Albertis déboursent 14,8 milliards d'euros pour mettre la main sur plus de 9 000 km d'autoroutes, soit 75 % du réseau.

RUSER POUR PAYER MOINS

Et eux savent maximiser les recettes. L'autorité de la concurrence dévoilait en septembre 2014 que, depuis la privatisation, les sociétés concessionnaires avaient distribué 14,6 milliards d'euros de dividende à leurs actionnaires. Rien qu'en 2013, elles ont engrangé 1,8 milliard d'euros de bénéfice net. Et sur la même période 2006-2013, les tarifs au péage ont augmenté de 21,7 %, soit une hausse moyenne annuelle de 1,97 %, supérieure à l'inflation qui progressait, elle, de 1,66 % par an. Même quand le trafic stagne, les recettes progressent. Car les sociétés concessionnaires appliquent la technique dite du “foisonnement”, c'est-à-dire que les hausses de tarif les plus fortes sont supportées sur les itinéraires les plus fréquentés… Le foisonnement a été interdit voilà trois ans. Mais Frank Saales, créateur de Autoroute-eco, un site Internet qui permet aux automobilistes d'optimiser leurs trajets, n'a pas vu de changement. En juillet 2014, il relève par exemple que l'augmentation du tarif sur le Paris-Lille est de 40 centimes, alors qu'en fractionnant le même trajet l'augmentation n'est plus que de 20 centimes. Il suffit de sortir à Albert, de payer, de reprendre aussi sec un ticket d'entrée pour constater, une fois arrivé à Lille, la différence de prix. “Certains tronçons, les plus utilisés, continuent d'augmenter plus que les autres. Et cette technique du fractionnement permet de réaliser parfois jusqu'à 30 % d'économie”, assure-t-il. En sortant une fois sur le Paris-Lille, c'est 3 euros d'économisés, en sortant deux fois, 4,50 euros. Avant de partir, il suffit de rentrer son itinéraire sur le site qui calcule l'astuce la plus rentable. Il attire 1 000 visiteurs chaque jour, le double pendant les vacances. “On croit à tort que plus on fait de kilomètres et moins on paye. Sauf que bien souvent c'est l'inverse”, explique Frank Saales. Il a fallu trois ans à celui qui est par ailleurs ingénieur en mécanique, pour modéliser le réseau routier, entrer l'ensemble des gares de péage et leurs tarifs pour les cinq catégories de véhicule. Et chaque mois de février, il fait manuellement la mise à jour de sa base de données avec l'augmentation annuelle. Un travail de fourmi. “Même si chacun ne réalisera que quelques euros d'économie, mon site est un moyen de se révolter. L'autoroute est devenue chère, trop chère. Sur certains trajets, le poste premier de dépense c'est l'autoroute, avant l'essence. Elle devient un luxe”, déplore-t-il. Quant à la négociation entre les sociétés d'autoroutes et l'État, il est sceptique. “J'ai l'impression qu'il s'agissait d'abord pour le gouvernement de faire oublier le fiasco de l'écotaxe en mettant le sujet sur la table. Et puis, la question au cœur du débat c'est comment l'État peut avoir lui aussi sa part du gâteau et pas comment faire baisser les tarifs exorbitants des péages”.

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