Prix des carburants : comment stopper l'inflation ?

Rencontre avec Jean-Michel Ducrot, Président d'Avia France, qui nous éclaire sur la question.

10/05/2012
4 minutes
Selon vous, dans une conjoncture économique très tendue avec une baisse manifeste de pouvoir d'achat, notamment pour les foyers les plus modestes, pouvons-nous dire que le prix des carburants va encore grimper ?

Pour mieux appréhender les variations des prix du baril, il faut un peu remonter le temps. Le 13 juillet 2008, le baril de brut atteint un niveau record de 147 $. Ce niveau n'a d'ailleurs pas été dépassé depuis. Le plus haut niveau de prix a été enregistré le 20 mars 2012* : 124 $.

Comment expliquer les variations de prix ?

Pour ma part, je peux vous donner deux explications. La première est liée à la parité dollar/euro. En effet, depuis 2008, le dollar ne cesse de grimper face à l'euro. De ce fait, par mécanisme, le prix du baril de pétrole brut n'a cessé d'augmenter. La deuxième explication se trouve au niveau des taxes. Au total, il existe 4 taxes ponctionnées sur un litre d'essence ou de gasoil : la Taxe Intérieure de consommation sur les Produits Pétroliers (TIPP), la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP), les Certificats d'Economie d'Energie (C2E) et la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Ainsi, à ce jour, un litre d'essence est taxé à hauteur de 58 % et un litre de gasoil à 52 %.

Concrètement, en termes de frais et de coûts, comment se compose un litre de carburant ?

Voici des chiffres, relevés le 20 mars 2012, qui devraient vous éclairer :
Maintenant, décortiquons par exemple le prix total d'un litre de super à la pompe de 1,69 € :


La plus petite part en rouge concerne le coût du raffinage, les frais de mise en place et les marges de la distribution. La zone bleue concerne le coût de la recherche, de la production, du transport du brut ainsi que la variation des taux de change dollar/euro. La dernière zone en vert concerne la fiscalité perçue par l'Etat Français : une baisse de ces prélèvements fiscaux aura pour effet immédiat une baisse de prix du carburant à la pompe.
Actuellement, la crise économique a un effet sur la consommation d'essence en France : elle baisse.
Plusieurs explications à cela. Tout d'abord, les constructeurs ont réalisé d'importants progrès : la consommation unitaire des véhicules a diminué. Ensuite les automobilistes cherchent à avoir une conduite plus intelligente, plus éco-responsable : la gestion, le respect des limitations de vitesse ont une incidence sur la consommation immédiate de carburant. Enfin ils recherchent une alternative à l'automobile en changeant de mode de transport (les transports en commun par exemple).

Pouvons-nous dire, comme on peut l'entendre parfois, que la variation du prix des carburants est liée à une exploitation de plus en plus chère ?

Oui, la recherche et la production sont de plus en plus coûteuses car d'une part il faut mieux protéger l'environnement ensuite et surtout les zones de production sont moins accessibles.
En revanche, le coût du raffinage, les frais de mise en place et les marges de la distribution n'ont que faiblement progressé de 0,11 € en 2011 à 0,12 € par litre en 2012. Ce n'est donc pas du côté du coût du raffinage, des frais de mise en place et des marges de la distribution du raffinage qu'il faut chercher des sources de réduction du prix à la pompe.

L'automobiliste français a-t-il raison de dire que si “l'essence” est chère aujourd'hui c'est à cause de l'augmentation des taxes ?

Suivant les explications données plus haut, les chiffres parlent d'eux-mêmes.La part des taxes représente plus de la moitié du prix d'un litre d'essence ou de gasoil et elles ne cessent d'augmenter ne serait-ce que par l'effet TVA !

Existe-t-il encore un avenir pour le raffinage en France ou est-il plus rentable d'importer des produits raffinés ?

Les experts estiment que l'Europe dispose de 13 raffineries de trop dont 4 en France. L'outil de raffinage dans l'Hexagone ne correspond plus aux consommations actuelles. Il faut chercher à augmenter la valeur ajoutée de ces raffineries.

Comment une entreprise comme la vôtre anticipe-t-elle les tensions sur certains pays producteurs de pétrole comme l'Iran (4e producteur mondial) en cas de conflits armés ?

Les membres d'Avia ne spéculent pas. La meilleure solution consiste à acheter quotidiennement ses ventes du jour. Tout l'enjeu est d'optimiser le délai de mise en place des produits (essence/gasoil) dans les points de distribution.
Dernièrement l'idée d'utiliser les stocks pétroliers en France pour faire baisser les prix a été évoquée. Pensez-vous qu'il s'agisse d'une bonne solution ou seulement d'un effet d'annonce pendant la période de campagne électorale ?Sans entrer dans le débat politique dans lequel je ne ferai pas de commentaires, je peux dire que ce n'est pas une bonne idée. Pourquoi ? Tout simplement parce que la France dispose de 105 jours de stocks constitués au fil du temps aux prix de l'époque. Utiliser aujourd'hui les stocks suppose de les reconstituer à un moment ou à un autre, et cela se fera au prix du jour. Ce n'est du coup qu'une solution à très court terme.
Aujourd'hui nous ne manquons pas de réserve de pétrole : les réserves mondiales actuelles correspondent à 100 ans de consommation passée.

En bref, quels sont les efforts à mettre en œuvre pour faire baisser le prix des carburants ?

Il faudrait plutôt regarder du côté de la spéculation des marchés. Il faut mieux la contrôler.
Les pétroliers doivent s'engager, comme c'est le cas pour Avia, à fournir des produits de qualité sans pour autant chercher à augmenter ses prix de vente.Enfin, je répète que ce qui pourrait faire chuter de moitié le prix à la pompe serait une suppression définitive des taxes. Mais, il s'agit d'une pure utopie car il faudrait retrouver des recettes équivalentes ailleurs.

*Il s'agit du plus haut niveau constaté le jour de l'interview – NDLR.Interview réalisée en mars 2012.

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